vendredi 1 juin 2007

JBP, label histoire!


De nature affable et généreuse, cet "alchimiste" du son s'avère dès son adolescence particulièrement doué pour la musique en "ravivant" avec bonheur quelques pièces classiques où l'on perçoit trop souvent mal la quintessence de leur compositeur, souvent trahis par une interprétation sans âme.
Solfège, piano, contrebasse, Conservatoire nourrissent alors l'embryon d'une future carrière artistique débutée précocement dès l'âge de quinze ans dans les studios de l' O.R.T.F. situés Cours Gambetta, où souvent sans répétition le job de Jean-Baptiste consiste à accompagner en direct les attractions les plus diverses.
Un an plus tard l'étudiant du lycée Chaponay quitte sa ville natale pour rejoindre à Pau l'orchestre de variétés "Paddock" qui jouit d'une honorable réputation régionale glanée au fil de nombreuses soirées dansantes.
De retour à Lyon, en 1951, il obtient son premier contrat à L'Eldorado, un vaste cinéma du Cours Gambetta, à quelques encablures d'un célèbre cabaret lyonnais de la place Bellecour : Le Grillon. Un lieu réputé où se produit alors un jeune artiste de mime comique : Fernand Raynaud, qui déclenche chaque soir l'hilarité du public conquis par les talents de ce fin observateur de la vie qui saura si bien traduire, avec philosophie et humour, tous les travers de notre société.
Vivacité d'esprit, blagueurs, facétieux : les jalons d'une amitié intemporelle se dessinent peu à peu entre le débonnaire Jean-Baptiste et le jovial Fernand Raynaud qui souhaite étoffer ses prestations burlesques d'un accompagnement musical, en l'occurrence : un pianiste.
Retenu pour la première tournée estivale du célèbre humoriste, une certaine osmose semble rapidement s'établir entre les deux "complices" dont le sens de la dérision n'a d'égale que le perfectionnisme.
"Auréolé de feutre gris, le petit homme au chapeau rond dépasse par moments Devos, rejoint Charlot et rattrape - non je n’exagère pas - La Fontaine. Il résume à lui seul les mille et une facettes de la condition humaine"... écrira alors la talentueuse critique : Claude Sarraute.
Accompagnateur attitré de Fernand Raynaud, plus de quatre années s'écouleront finalement auprès de l'artiste tout en nouant le fil d'une amitié indéfectible. Une amitié doublée d'une évidente complicité artistique, perceptible sur certains enregistrements du label lyonnais comme l'atteste en 1968 la participation de l'humoriste sur le désopilant 45 tours du "fromager chantant" : Jacky Bernard nous dévoilant ses savoureux conseils de Music-Hall !
Une liberté contractuelle d'ailleurs peu goûtée par le label Philips, même si on relève en 1970 une nouvelle incursion discographique de Fernand Raynaud sous l'emblématique label lyonnais honorant une commande de Havas Conseil pour les machines à laver Hoover.
Tiré à 4.200 exemplaires ce luxueux microsillon, initialement offert par les distributeurs Hoover aux ménagères émancipées, s'imposera comme un futur collector très recherché par de nombreux collectionneurs attiré par la démarche insolite du grand artiste louant les arts ménagers.
Une incursion publicitaire qui n'est d'ailleurs pas sans évoquer le génial inventeur du pistolet à gaufres ou de la tourniquette à vinaigrette : Boris Vian, fidèle ami de Fernand Raynaud, dont la fonction de directeur artistique chez Fontana favorisa, en 1956, un emploi aussi inattendu que répétitif à Jean-Baptiste Piazzano.
Un séjour d'ailleurs assez bref ou affecté au découpage des bandes toute création artistique semble neutralisée et à l'encontre des projets du jeune lyonnais qui nourrit de plus nobles ambitions, finalement concrétisées en 1957 avec l'ouverture d'un studio d'enregistrement situé au 15 de la rue Puits Gaillot, à quelques encablures du cinéma "Splendor".

Fanfares, chorales, orchestres, chansonniers se succèdent initialement avant de remporter quelques sillons plus tard, en 1958, le prix international du meilleur enregistrement sonore de Londres grâce à une œuvre de Bach, enregistrée à l'église d'Albigny, interprétée par le virtuose de l' accordéon : Henri Bourron.
Vivement encouragé par cette récompense et doté d'un équipement de qualité, le studio lyonnais ne tarde pas à bénéficier d'une excellente réputation propice à accueillir un vivier de jeunes talents comme le démontre, en 1960, le premier album du poétique Henri Gougaud (pressé à 145 exemplaires !) ou la pétillante Arielle, dont la jeune carrière se profile grâce aux judicieux conseils de Jean Baptiste Piazzano avant d'être finalement recrutée par Eddie Barclay, subjugué par le talent de l'adolescente.

Sillonnée dès 1961 par Les Richards, la route du twist lyonnaise s'avère tout aussi flamboyante avec un aréopage de groupes particulièrement représentatifs des différents courants musicaux qui déferlent sur la France.
Estampillés de l'emblématique lion dessiné par Jacques Le Flaguais : Panthères, Guépards, Lions, Lionceaux, Sphinx, Homards Violets, Korrigans, Gentlemen, Vampires, Dakotas, Sonics, Gones'Rock, Shattels, se succèdent sans répit tout en prouvant avec éclat la rigueur d'un talent souvent envié.

En 1965 un nouveau studio plus spacieux et mieux adapté aux exigences techniques de la prise de son est aménagé au 29 de la rue Royale, favorisant l'expansion du label tout en stimulant de jeunes espoirs souvent recrutés au Palais d'Hiver lors d'inoubliables auditions, dont certaines en partenariat avec les disques Barclay (Nouvelles Têtes, Nouveaux Talents).
Une démarche qui se révélera d'ailleurs fructueuse même si certains artistes semblent avoir gommé de leur mémoire ce tremplin parfois sévère ou la complaisance n'était pas de mise face à une certaine candeur juvénile bercée d'illusions.

Une rigueur de bon aloi si l'on se réfère à la richesse d'un catalogue éclectique ou tous styles confondus l'on relève quelques "pointures" qui ne tarderont pas à recueillir la totale adhésion du public tout en se démarquant de toute facilité commerciale attendue.
L'évidente maturité artistique du Quartet de Lyon, dont on relève dès 1964 une première trace discographique sous le label "concurrent" Soder (Folk Quartet) ou de Los Chacos, pion-niers de la musique sud américaine, témoignent d'ailleurs de la notoriété du studio qui désormais équipé de la fameuse console Freevox, conçue par le talentueux Gérard Poncet, peut rivaliser sans crainte avec les meilleurs studios d'enregistrements parisiens. D'où une certaine connivence avec Lucien Morisse dont le jeune label A.Z. désormais enrichi du Quartet de Lyon n'opposera aucune réticence à voir ses jeunes poulains enregistrer l'essentiel de leur répertoire au studio J.B.P.

29, rue Royale : une adresse décidément mythique, un lieu magique, bien ancré dans la mémoire lyonnaise heureuse de retrouver quelques bribes d'une génération perdue ou refrains joyeux et hymnes solennels reflétaient une vie en 45 tours orchestré par ce talentueux dompteur de notes qu'est Jean-Baptiste Piazzano qui signa sans doute la plus belle des partitions : celle du cœur.

Marc LIOZON

4 commentaires:

Christophe Simplex a dit…

Très belle idée que celle de rendre hommage aux talents multiples de Jean-Baptiste Piazzano. Je l'avais rencontré à diverses reprises en 1997 et 1998 en vue du long article que je lui avais consacré pour le "Club des Années 60" (n°26 - octobre 1998). C'était une personne affable, sympathique et modeste : il était vraiment étonné et amusé de l'intérêt que nous lui portions, et il m'avait donné accès à divers documents en vue de reconstituer le "catalogue" complet des disques sortis sous la marque JBP entre 1958 et 1984. Quelle tristesse que d'apprendre sa disparition... Pourriez-vous me joindre par e-mail s'il vous plait (inoxydablerecords@free.fr)

Christophe Simplex a dit…

Et bravo à Marc Liozon pour ce vibrant hommage !

Elimealoz a dit…

Ayant enregistré Rue Royale chez Piazzano en 1967, mes souvenirs de ces séances restent pénibles.
Le groupe avait toujours eu cette tendance novatrice et britannique à la fois qui nous caractérise encore aujourd'hui et M.Piazzano s'est vite trouvé désappointé dépassé et déboussolé par les pédales de sons diverses que nous utilisions sur scène en France et en Allemagne.
C'est donc ainsi qu'unilatéralement, il s'était réuni tout seul, (avec néanmoins quelques jeunes filles accortes qui hantaient le studio) pour nous interdire les précieuses pédales artisanalement conçues par un ingénieur de chez Teppaz et par son guitariste de fils.
Une très sale journée...
Quant à ses enregistrements classiques et traditionnels, chapeau, bon boulot...
Mais il faut savoir toujours rester 5 centimètres au dessus du niveau de la mer...
Elime Aloz

anna a dit…

bonsoir
je suis desolee.. quel est le nom de votre groupe?
anna